mardi 30 janvier 2007

Ronald Colman, Un Anglais à Hollywood (VIII)


A la fin de l'année 1933, de retour de voyage, Ronald Colman réussit à résoudre à l'amiable le conflit qui l'oppose à Samuel Goldwyn. Il retire sa plainte en diffamation et en échange, il est libéré de son contrat qui est transféré à une nouvelle société au sein de United Artists, Twentieth Century Pictures. En effet, Joseph M. Schenk s'est associé avec Darryl Zanuck (qui vient de quitter la Warner Bros) pour créer cette nouvelle unité de production avec, semble-t-il, des capitaux secrètement apportés par Louis B. Mayer… Pour eux, c'est une aubaine d'obtenir Ronald Colman comme star masculine. Sa première production, Bulldog Drummond Strikes Back (Le retour de Bulldog Drummond) sous la direction de Roy Del Ruth (qui, lui aussi, est issu de l'écurie Warner) débute en février 1934. Le studio ne veut pas prendre trop de risques et ils choisissent de reprendre le personnage qui avait lancé Colman au parlant en 1929. Il retrouve Loretta Young, qui a suivi Zanuck de la Warner à la XXth Century Pictures, comme partenaire. Le film est un petit bijou d'humour, supérieur à l'original car les moyens techniques se sont bien améliorés depuis 1929. Les seconds rôles sont absolument formidables avec ce vieux grincheux de C. Aubrey Smith, en inspecteur Neilson qui est constamment dérangé par Drummond dans son sommeil, Charles Butterworth en Algy, l'acolyte comique au physique de lapin effrayé et qui n'arrive pas à consommer sa nuit de noce, et Warner Oland, en prince oriental oléagineux et machiavélique. Nous sommes définitivement dans la parodie, mais, sans aucun excès. le film n'a pas pris une ride et méritrait d'être plus visible qu'il ne l'est! Il a été invisible aux USA pendant très longtemps suite à un problème de droit d'exploitation du personnage Drummond racheté par un autre studio. Il semble maintenant que Janus Films (la société parente de Criterion) en soit propriétaire; espèrons qu'un jour il réapparaisse sous la forme d'un beau DVD! Mais, je reviendrai plus en détails sur ce film bientôt.

Zanuck a toujours adoré les biopics et il décide de produire un film sur la vie du Baron Clive. Colman devient donc Clive of India (Le conquérant des Indes) en 1935. Loretta Young est à nouveau sa partenaire dans le rôle de Lady Clive. Zanuck importe de Londres, R.J. Minney qui a écrit une biographie, puis une pièce sur ce personnage mégalomaniaque. Ses instructions à l'écrivain sont typiques: "Le public, ici, ne connait pas la différence entre clove of India (clou de girofle des Indes) et Clive of India, alors, mettez beaucoup de cartons explicatifs!" Le résultat: un film parlant qui compte presque plus de cartons qu'un film muet de même durée!!! Hollywood dans ce milieu des années 30, est friand de ces films d'aventure sur les colonnies britanniques; la même année sort sur les écrans The Lives of a Bengal Lancer de Henry Hathaway au message agressivement pro-colonial. Clive of India, malgré une édulcoration assez forte du personnage, est plus ambigu. Robert Clive n'est qu'un petit comptable aux écritures de la East India Company qui réussit à devenir un haut gradé de l'armée et à asseoir le pouvoir britannique sur les Indes convoitées également par les Français, les Portugais et les Hollandais. Les méthodes qu'il emploit sont parfois à la limite de l'abus de pouvoir : il contrefait une signature, arrange des traités secrets avec les gouvernants locaux, accepte des 'dons en nature' d'autres potentats. Il termina sa vie ruiné, deshonoré et se suicida. Inutile de dire que Zanuck demanda une fin bien plus heureuse! Au final, le film manque singulièrement de souffle et ressemble à une succession de vignettes! Mais, on peut y apprécier l'interprétation de Colman dans certaines scènes où il réussit à insuffler de la vigueur à son personnage.

Pour la première fois depuis 1922, Colman apparaît sans moustache dans le rôle de Clive et son visage mince prend soudain une tonalité plus mélancholique. Il est ravi d'avoir un personnage complexe à interpréter. Il ne semble pas qu'il y ait eu chez lui une fibre patriotico-militariste comme c'était le cas chez de nombreux anglais immigrés à Hollywood. Son expérience de la guerre de 14-18 y est probablement pour beaucoup. Il n'apparaitra d'ailleurs jamais dans un film de guerre en uniforme et on peut compter sur les doigts d'une main ses apparitions à l'écran avec une arme à feu à la main. A cette époque, il ne fréquente guère les anglais immigrés d'Hollywood; il leur préfère la compagnie de ses amis américains comme Richard Barthelmess et William Powell.

Au cours de l'année 1935, la Fox, qui est au bord de la faillite, fusionne avec la XXth Century Pictures pour former la XXth Century Fox actuelle. Une des toutes premières productions est The Man Who Broke the Bank at Monte Carlo (L'homme qui a fait sauter la banque) de Stephen Roberts, une petite comédie anodine où Colman retrouve Joan Bennett. Il y est un aristocrate russe immigré à Paris qui survit en temps que chauffeur de taxi jusqu'au jour où, grâce à la chance, il gagne une fortune au casino. Joan Bennett est envoyé sur ses traces par le propriétaire qui souhaite le ramener sur le tapis vert pour y reperdre ce qu'il a gagné.
Colman a retrouvé sa moustache; mais, ce n'est que temporaire car il va la reperdre pour son rôle suivant, Sidney Carton dans A Tale of Two Cities (Le Marquis de Saint-Evremond). Ce film va apporter un nouveau tournant à sa carrière ainsi qu'à sa vie.
A suivre

dimanche 28 janvier 2007

The Devil to Pay! 1930

Un Film de George Fitzmaurice
The Devil to Pay est une comédie pétillante comme du champagne qui prédate de plusieurs années l'éclosion de la comédie sophistiquée. Il est difficile d'imaginer que ce film date de 1930 en le voyant: le rythme, la légèreté et le montage suggère un film de 1932. En 1930, même Ernst Lubitsch n'a pas encore réalisé son virage de la comédie musicale avec Chevalier vers la comédie sophistiquée classique. Le scénario est l'œuvre de Frederick Lonsdale, un spécialiste de la comédie du West End londonien. Il a écrit une comédie originale dont l'intrigue est aussi légère qu'une pièce de Marivaux. Mais, c'est le traitement du sujet qui fait le prix de cette comédie. George Fitzmaurice offre là un de ses meilleurs films, infiniment supérieur à ses productions de prestige à la MGM (As You Desire Me sent la poussière théâtrale à mille pas!). On y sent l'apport de l'équipe technique des productions Goldwyn: les décors aérés et distingués de Richard Day, plus proches de l'élégance de la Paramount que de la MGM; la cinématographie signée George Barnes et Gregg Toland et le monteur Grant Whytock. L'environnement dans lequel œuvre un cinéaste peut profondément modifier son style visuel et narratif.
Synopsis
L'insouciant William Hale, dit 'Willie' (Ronald Colman), installé au Kenya, doit vendre aux enchères son mobilier pour acheter son billet de retour en Angleterre; il a perdu tout son argent au jeu et aux courses. Pendant ce temps, son père, Lord Leland (Frederick Kerr) apprend par la presse les nouveaux déboires de son plus jeune fils. Exaspéré par sa conduite, il jure de le jeter dehors sans un sou, s'il ose se représenter devant lui. Willie arrive à Waterloo et dépose ses bagages dans un taxi en payant le chauffeur pour les déposer chez son père. Il espère ainsi atténuer la fureur paternelle en lui permettant de s'énerver inutilement sur ses valises! Puis, chemin faisant, ils obtient un tuyau pour la prochaine course hippique du Derby d'Epsom et s'arrête devant une animalerie où il fait l'emplette d'un charmant fox-terrier, George avec ses dernières livres Sterling. Il part ensuite rejoindre sa petite amie, Mary Crayle (Myrna Loy), une artiste de Music-Hall qui renonce sur le champ à jouer son rôle pour le suivre au restaurant.
Le lendemain matin, Lord Leland est toujours furieux contre Willie et décharge sa frustration au petit déjeuner avec sa fille Susan (Florence Britton) et son fils Arthur. Dorothy Hope (Loretta Young), une amie de Susan arrive inopinément pour l'emmener voir un match de cricket. Après avoir passé la soirée avec Mary, Willie arrive tout guilleret au domicile paternel avec George sous le bras. Il reçoit un savon ("his number one special") de son père qui s'amolit considérablement en sa présence et lui offre même 100 livres! Il décide immédiatement de placer la somme sur Laguna au Derby; et persuade Susan et Dorothy de venir avec lui au champ de course.

Willie et Dorothy s'amuse comme des fous à la fête foraine proche du champ de course, loin des mondanités où le père de Dorothy, le "roi du linoléum", (David Torrence) converse avec le fiancé de cette dernière, le grand duc Paul (Paul Cavanagh) à l'air particulièrement sinistre. Contre toute attente, le cheval de Willie gagne la course et lui rapporte une fort jolie somme! Willie, Susan et Dorothy rentrent à Londres en chantant à tue-tête, en voiture. Durant le voyage, Paul, furieux, aperçoit Dorothy, qui avait refusé de venir au Derby avec lui, en sa compagnie. De retour à Londres, Paul et Mr Hope reproche sa conduite à Dorothy. Celle-ci n'en tient aucun compte et leur annonce qu'elle a invité Willie pour la soirée.

Dorothy ignore totalement son fiancé et danse avec Willie. Le Grand Duc Paul vient la rappeler à l'ordre et Dorothy lui rend sa bague de fiançailles. Susan fait remarquer à Willie que grâce à lui, Dorothy est maintenant libre. Il lui assure qu'il n'a nullement l'intention de l'épouser: elle est bien trop riche pour lui et il s'éclipse discrètement pour aller retrouver Mary Crayle.

Le lendemain, le père de Dorothy, qui le considère comme un coureur de dot, le convoque pour lui signifier qu'il déshéritera sa fille si elle l'épouse. Ravi, Willie va trouver Dorothy pour lui demander de l'épouser, maintenant que sa fortune n'est plus un obstacle. Dorothy accepte, mais, lui demande de rompre avec Mary Crayle dont elle connaît l'existence. Willie tente, sans succès, de lui écrire une lettre de rupture malgé les 'conseils' prodigués par George, le fox-terrier... Il décide d'aller la trouver à la sortie des artistes. Mal lui en prend, il est surveillé par un détective privé qui rapporte l'information à Mr Hope et à Dorothy.
Dorothy, le croyant infidèle, le traite comme un vulgaire gigolo en lui donnant un chèque 5000 livres pour 'services rendus'. Contre toute attente, Willie ne proteste pas; il empoche le chèque et part en sifflotant, la laissant effondrée.
Après avoir encaissé le chèque, Willie cherche un bon moyen pour se débarrasser de cet argent qui lui brûle les doigts. Un ami lui suggère de l'envoyer au grand duc Paul qui depuis sa rupture avec Dorothy est poursuivi par ses créanciers. Il s'exécute en accompagnant les billets d'un mot prétendument de Dorothy.
Dorothy comprend enfin le stratagème de Willie en recevant des remerciements de Paul. Elle se précipite chez lui pour lui demander de tout oublier et de repartir à zéro. Mais, il prépare ses valises pour son départ en Nouvelle-Zélande et ignore Dorothy. Son ton ulcéré n'est pas totalement convainquant, elle insiste et ils tombent dans les bras l'un de l'autre. Lord Leland, hilare, annonce que à partir de maintenant, c'est Mr Hope et non plus lui, qui financera le train de vie de Willie!
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Ce synopsis ne donne qu'une vague idée de cette comédie où le rythme du langage et le mouvement des corps est tellement important. Ronald Colman fait un sort à chacune des répliques de Lonsdale. Son débit, par moment, annonce la mitraillette d'une Katherine Hepburn! Sa manière de s'approprier l'espace est également remarquable. Il entrouvre la porte, passe la tête tel un enfant curieux, entre dans le bureau de son père, une tasse de thè à la main, s'assied sur une table basse, ignorant tous les sièges à sa disposition. Son attitude espiègle lui permet de déjouer tous les reproches paternels. De même, la scène finale où il feint d'ignorer Dorothy tout en préparant sa valise. Son ton courroucé laisse percer une très légère ironie qui ne lui échappe pas. Il sait jauger aussi les pauses nécessaires entre chaque réplique. Bien que le film soit pourvu d'un Dialog Director, il semble bien que l'interprétation du texte soit essentiellement de son fait. De même, le brusque changement de ton à un moment crucial du film apporte une couleur totalement différente à la scène. Il est venu trouver Myrna Loy pour lui annoncer son prochain marriage avec Dorothy, leur rupture est tout à fait amicale et sans heurs (nous sommes dans la période Pre-Code qui permet de telles choses!!!). Le coup de téléphone de Dorothy change soudain l'atmosphère. Il réfléchit amèrement sur les changements subits de sa destiné. Espérons que ce film sera un jour disponible en DVD! En attendant, il faut se contenter d'une VHS PAL disponible en GB...

vendredi 26 janvier 2007

Arrowsmith 1931


Un Film de John Ford (1931)


Ce film offre probablement la vision la plus juste du milieu médical et de la recherche scientifique qui soit. Bien que Sinclair Lewis l'ait écrit en 1925, tous les maux qu'il décrit sont toujours d'une grande actualité! Ce film ne s'inscrit pas tout à fait dans les thèmes fordiens, mais c'est certainement un de ses meilleurs premiers films parlants. La distribution est superbe avec Ronald Colman, Helen Hayes, Myrna Loy et Richard Bennett. On trouve aussi le très rare exemple d'un acteur noir qui a un rôle important et une position sociale équivalente aux blancs: il est médecin et traité d'égal à égal par ses partenaires.
C'est la seule production Goldwyn avec Ronald Colman qui soit disponible en DVD (Zone 1 US) (avec des ST français). Je vous engage à découvrir cet excellent film.

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Martin Arrowsmith (Ronald Colman) issu d'un milieu modeste du Middle-West, a néanmoins réussi à finir ses études de médecine et se destine à la recherche médicale sous la direction de son mentor, le Dr Gottlieb. Il est envoyé à l'hôpital voisin pour un prélèvement où il rencontre par hasard Leora Tozer (Helen Hayes) qui y est élève-infirmière. Cette dernière se montre particulièrement insolente à son égart et il tente, sans grand succès, d'affirmer son autorité de praticien...










Arrowsmith: Nurse, I want to find Ward D.




Leora: Do you?



Arrowsmith: Can you direct me?
Leora: I could, yes.



Arrowsmith: Well, if it isn't interrupting your work…



Leora: This isn't my work. Nurses aren't supposed to scrub floors. Superintendent caught me smoking a cigarette. You go back for Ward D, turn right and then left.



Arrowsmith: I've been informed that the first duty of a nurse is to stand when she speaks to a doctor.



Leora: Gee, I've been getting fresh again.






Arrowsmith: It may interest you to know that I'm Dr Gottlieb's assistant and that I am on my way to Ward D to take a strain of a very dangerous microbe.






Arrowsmith: When I've done what I came here to do, I shall report you.



Arrowsmith: What's your name?
Leora: What's yours?



Arrowsmith: Arrowsmith...You're not reporting me, you know!



Leora: Gee, there I go again. Well, scrubbing floors just makes me rebellious.



Leora: ...and being rebellious just naturally makes me fresh, and there you are.



Leora: My name is Leora Tozer. It's a silly name, isn't it?



Arrowsmith: What's wrong with it?



Arrowsmith: I kinda like it.



Leora: Thanks!



Arrowsmith: When can you get away for dinner?



leora: With you?



Arrowsmith: I've decided to overlook reporting you. How about tonight?



Leora: Well…



Arrowsmith: Why not?



Leora: I don't mind.



Arrowsmith: What time?



Arrowsmith: You will report the patient's temperature to me every hour.



Arrowsmith: I'll look in again at 7:00.






Arrowsmith: At 7:00!