mardi 31 mars 2015

L'Inhumaine (1923) au Théâtre du Châtelet le 30 mars 2015

Einar (Jaque Catelain) démarre en trombe de la villa de sa dulcinée...

Un film de Marcel L'Herbier avec Georgette Leblanc, Jaque Catelain, Philippe Hériat et Marcelle Pradot

La cantatrice Claire Lescot (G. Leblanc) est entourée d'une foule de soupirants qui souhaitent tous la conquérir. Elle les répousse tous, ce qui lui vaut le surnom de "L'inhumaine". Jusqu'au jour où le jeune savant Einar Norsen (J. Catelain) décide de se suicider à cause d'elle...

Claire Lescot (G. Leblanc)

Je ne peux résister au plaisir de vous citer la critique que fit Abel Gance de ce film de Marcel L'Herbier lorsqu'il le découvrit en décembre 1924: "Agréable mais sans aucune dramaturgie. Une puérilité de conception déconcertante. Catelain épouvantablement bête et fat. Hériat très bien. Leblanc intéressante. Décors de Léger bien. Ensemble prétentieux clinquant et vide. La salle des machines, du cocasse intelligent. Le cœur est mort chez ces gens. Et tout de même, un de nos meilleurs films." Cette critique lapidaire est finalement assez proche de ce que j'ai ressenti en revoyant hier L'Inhumaine dans la toute nouvelle restauration numérique 4K et teintée présentée au Châtelet. J'ai déjà vu le film plusieurs fois, sans musique, dans une copie noir et blanc (j'en ai parlé déjà ici). Cette nouvelle présentation était une excellente occasion de se replonger dans l'Art Déco délirant et maîtrisé de cette oeuvre inclassable. Eh bien, je dois l'avouer je me suis un peu ennuyée, surtout durant la première partie du film. Le récital de Claire Lescot au Théâtre des Champs Elysées s'est révélé bien languissant et dépourvu de dramaturgie. Seule la deuxième partie avec les expériences scientifiques d'un Jaque Catelain, en pseudo Dr. Frankenstein, rattrape un peu ce désintérêt. La nouvelle copie entièrement teintée contient aussi quelles séquences avec des flashs colorés au moment où la cantatrice retourne à la vie qui annoncent les futurs expérimentations d'un Kubrick dans 2001 - A Space Odyssey (1968), sur un mode mineur. Alors pourquoi cette impression mitigée ? Il y a d'abord l'actrice principale, Georgette Leblanc. Elle se promène avec un maquillage outrancier qui peut faire croire qu'elle s'apprête à danser le rôle du Cygne Noir, si sa large silhouette ne nous détrompait pas immédiatement. Enveloppée de robes larges aux motifs géométriques et couverte de plumes par Paul Poiret, elle ne peut guère faire illusion en mangeuse d'hommes. Et il y a aussi cette nouvelle partition pour sept musiciens qui se révèle particulièrement irritante. Hésitant entre l'illustration et la contradiction, nous fûmes assommés par une musique qui passait d'un jazz non assumé à des sons électroniques envahissants. Et surtout, il y avait ces motifs répétitifs incessants sur les séquences les plus rythmées et les plus intéressantes telle que celle où Catelain roule à tombeau ouvert. Au lieu de donner à la séquence un rythme interne en faisant évoluer la mélodie, ils nous ont asséné toujours le même motif répété ad nauseam. Je peux imaginer ce qu'un excellent accompagnateur pourrait faire avec ce film. Hélas, une fois de plus, Arte a choisi la modernité fracassante sans se soucier de l'intégrité de l'oeuvre de L'Herbier. Vous pourrez juger vous-même le 4 mai prochain lors de la diffusion sur Arte. 

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