mardi 31 janvier 2012

Going Straight 1916

Ralph Lewis et Norma Talmadge
Un film de Sidney Franklin et Chester M. Franklin avec Norma Talmadge, Ralph Lewis et Eugene Pallette

Les époux Remington (R. Lewis et N. Talmadge) se souviennent de leur passé criminel au sein d'une bande de gangsters. Devenus maintenant des citoyens honorables, leur vie est soudainement mise en péril par Briggs (E. Pallette) leur ancien chef de bande qui les fait chanter...

Briggs: Eugene Pallette
Au milieu des années 10, les frères Franklin (Sidney et Chester) sont réalisateurs au sein de la compagnie Triangle où ils tournent des longs métrages en 5 bobines avec les acteurs sous contrat de la compagnie. On peut voir en particulier au sein du coffret More Treasures from the American Film Archives, l'excellent Gretchen The Greenhorn (1916) avec Dorothy Gish et Eugene Pallette tourné dans les quartiers populaires de Los Angeles. Going Straight est encore plus ambitieux dans sa narration avec un exemple de flash-back, encore bien rare à l'époque. Nous suivons un couple, à priori sans histoire, les Remington qui sont parfaitement insérés dans la bonne société. Mais, la lecture d'un article de journal leur rappelle leur passé criminel. Ils faisaient parti de la bande de Briggs (joué par un Eugene Pallette mince et inquiétant) et participaient à des vols et cambriolages. Un jour, John Remington (R. Lewis) a été arrêté et emprisonné. Mais, suite à la naissance de leur premier enfant, il décida de se réformer complètement. Malheureusement, une rencontre fortuite avec Briggs va faire resurgir le passé inéxorablement. La qualité du film repose sur différents facteurs. Il y a d'abord le jeu des acteurs : Lewis, Talmadge et Pallette sont naturels et sans emphase. Et puis, le film a pratiquement été entièrement tourné en décors naturels, sans aucun doute dans les bas quartiers de Los Angeles, ce qui donne au film une qualité quasi documentaire. Le récit est parfaitement structuré, sans temps mort. Et de plus, la cinématographie de ce petit film est superbe. Avec le plus souvent un éclairage naturel, on voit apparaître Briggs à contre-jour ou encore, on voit Norma Talmadge près d'une fenêtre avec un rayon de soleil dans les cheveux. le film contraste habilement les bas-fonds où vit Briggs, qui fréquentent les asiles de nuit où l'on paie trois cents pour dormir à même le sol dans un local surpeuplé et exigu, et la maison confortable des Remington. Au total, c'est un très joli film superbement exécuté et joué.

lundi 30 janvier 2012

Erotikon 1929

Séduction
Un film de Gustav Machatý avec Ita Rina, Olaf Fjord, Charlotte Susa et Theodor Pistek

Andrea (I. Rina), la fille d'un garde barrière, est séduite par George (O. Fjord), un étranger que son père a hébergé pour la nuit. Enceinte, elle doit fuir sa maison...

Il ne faut pas confondre ce film du tchèque Gustav Machatý (ci-contre) avec l'Erotikon (Vers le bonheur, 1920) de Mauritz Stiller qui est inspiré des comédies de C.B. DeMille telle que Don't Change Your Husband (1919). Le film de Machatý est une oeuvre de la fin du muet qui est totalement différente dans son propos. Le réalisateur utilise toutes les ressources techniques du cinéma d'alors pour nous conter une histoire somme toute fort simple. Comme pour les grands films européens de cette époque, on retrouve cette fluidité narrative et visuelle qui arrive à son épanouissement complet. Bien que Machatý ait passé un certain temps à Hollywood, il est évident que le style du réalisateur rappelle les meilleurs moments de G.W. Pabst ou de Hanns Schwarz. A partir d'une trame mélodramatique où une jeune fille est séduite et abandonnée avant de retrouver le bonheur en épousant un homme qu'elle a sauvé, il réussit à construire un petit chef d'oeuvre de sensualité qui est, de plus, bien en avance sur son temps. En effet, dès le début du film, nous assistons à la séduction d'Andrea par George qui donne lieu à une scène érotique toute en suggestion qui dépasse largement ce qu'on pouvait voir au cinéma à l'époque. Sans utiliser aucune nudité, il suggère le plaisir intense que ressent la belle Ita Rina. Même pour nos yeux blasés de spectateurs d'aujourd'hui, la scène conserve son pouvoir de séduction grâce à l'utilisation de symboles et de la caméra subjective. L'intérêt ne faiblit pas, bien que les scènes suivantes n'ont pas la puissance de celle-ci. Nous suivons l'itinéraire d'Andrea qui après avoir accouché d'un enfant mort-né rencontre par hasard un automobiliste qui la sauve des assauts d'un malotru. Devenu son épouse, elle se retrouve face à face avec son séducteur. Et soudain, le désir qu'elle ressent pour cet homme revient au point de mettre en danger sa nouvelle vie. Utilisant avec parcimonie les intertitres, Machatý dirige avec intelligence ses acteurs qui jouent admirablement avec leurs visages. L'actrice Ita Rina, qui était Slovène, joue son rôle avec ce qu'il faut de retenu et d'abandon, et, même l'autrichien Olaf Fjord, qui joua dans plusieurs productions françaises telles que La Madone des Sleepings (1927) où il était fort fade, montre un tout autre talent en séducteur impavide. Ce film tchèque est certainement un des tous meilleurs films de la fin du muet avec Die wunderbare Lüge der Nina Petrowna (1929, H. Schwarz) et Rotaie (1929, M. Camerini).

dimanche 29 janvier 2012

La Parade est passée... de Kevin Brownlow (III)

Dernière mise à jour concernant les critiques et autres chroniques à propos de l'ouvrage de Kevin Brownlow dont je suis la traductrice. Le 6 janvier dernier, Olivier Barrot lui a consacré un numéro de son émission de France 3, Un Livre Un Jour:
En matière de cinéma, il a assez peu d’ouvrages classiques et indispensables à l’instar par exemple des entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut. Eh bien, il vient de s’en ajouter un, La Parade est passée… de l’anglais Kevin Brownlow, traduit en français plus de quarante ans après sa sortie par l’Institut Lumière de Lyon et les Editions Actes Sud. Nulle doute que ces 1000 pages prodigieusement illustrées entreront dans la bibliothèque de l’honnête homme qu’il soit cinéphile ou non, tellement leur intérêt dépasse, et de loin, le seul 7ème Art. La Parade est passée… entrepris à la fin des années 60, offre la plus passionnante plongée au cœur du premier âge d’or d’Hollywood qui s’étend en gros sur deux décennies du XXè siècle, entre 1910 et 1930 alors que le cinéma est évidemment encore muet et n’imagine absolument pas un jour pouvoir parler. Epoque pionnière qui voit l’industrie jusqu’alors dominée par les français, s’installer définitivement sous le soleil de Californie. A partir d’entretiens avec des réalisateurs, des acteurs, des techniciens, des producteurs, Kevin Brownlow redonne vie pour toujours au cinéma d’antan. Quelle parade somptueuse ! Voici les metteurs en scène D.W. Griffith, que Brownlow compare à Dickens, Allan Dwan auteur de plus de 400 films, Josef von Sternberg, Cecil B. DeMille et les autres. Voici les comiques : Harold Lloyd, Buster Keaton, Charlie Chaplin et leurs gagmen, ces inventeurs de scènes comiques qui étaient payés comme des stars. Les patrons de studio Louis B. Mayer, David O. Selznick, Irving Thalberg, et les stars, les vraies : Gloria Swanson, Douglas Fairbanks, Marlene Dietrich, Garbo… A cette liste fabuleuse s’ajoute un français auquel Brownlow voue une admiration sans bornes : Abel Gance.

Chronique de Philippe Meyer sur France Culture le 24 janvier 2012:
Auditeurs sachant auditer, ce n’est pas pour me vanter, mais le succès vers lequel ne cesse de voler le film de Michel Hazanavicius The Artist, devrait s’étendre à l’épopée du cinéma muet signée Kevin Brownlow. Grâce aux éditions Actes Sud et à l’Institut Lumière, nous pouvons enfin découvrir La Parade est passée…, monument enrichi de nombreuses photographies. Dès son adolescence dans les années 50, Brownlow a aimé la capacité du muet à susciter la participation du public, à solliciter son imagination. Il s’en est fait l’orpailleur, chinant des copies partout où cela était possible et réussissant entre autres exploits, après 20 ans de recherche, à reconstituer le Napoléon d’Abel Gance, et à en identifier dix-neuf versions différentes. L’an dernier, Hollywood l’a remercié par un Oscar. L’érudition passionnée de cet historien, cinéaste, monteur, documentariste et restaurateur ne connaît pas de limites. Il est capable de dresser le portrait de n’importe quel producteur, depuis Carl Laemmle, patron d’Universal, qui employait 14 membres de sa famille, mais qui fut capable de donner sa chance à un Irving Thalberg de 21 ans, jusqu’à Louis B. Mayer dont les successions de jérémiades et d’explosions de colère, faisaient dire qu’il était le meilleur acteur de ses studios. Tous partageaient une virtuosité comptable à faire pâlir tous les Bernard Tapie du monde. Il y en fut qui mirent 30 ans à payer certains droits d’auteur, d’autres qui persuadèrent un acteur d’accepter un rôle en échange d’un smoking sur mesure ou qui achetèrent des emplacement publicitaires dans les journaux professionnels pour exhorter les exploitants, je cite, ‘à se servir du cerveau que Dieu leur avait fourni’. Ce sont souvent ces pittoresques caractéristiques que l’on a retenus de leur personnalité. Brownlow qui connaît leur rôle dans tous les films qu’ils ont produits, montre comment il a fallu à certains d’entre eux, réunir les qualités de Napoléon, de Falstaff, de Peter Pan, de Shelley et de John Pierpont Morgan. S’il est devenu familier de ces géants à force de rencontres et de recherches, Kevin Brownlow l’est tout autant des obscurs longtemps absents des génériques. Leurs initiatives, leurs enthousiasmes et leurs inventions ont été la richesse de ce cinéma naissant dans l’excitation de l’esprit pionnier. Les électriciens inventaient des lampes à arc capables de simuler le craquage d’une allumette, les cameramen improvisaient des vitesses de tournage de leur manivelle pour accélérer ou pour ralentir l’action. Les cascadeurs risquaient différentes sortes de morts. Les directeurs de production finissaient en maison de repos, voire en asile psychiatrique. On nageait dans l’épique. Mais, l’épique peut être aussi comique, comme le montre l’histoire du tournage du premier Ben Hur, depuis les difficultés d’obtenir les droits de ce roman à succès mondial devenu pièce de théâtre, jusqu’aux innombrables retards, accidents, catastrophes et coups fourrés, qui émaillèrent l’aventure de ce film tant à Los Angeles qu’en Italie. Mussolini s’en mêla. Les luttes entre fascistes et anti-fascistes provoquèrent des échauffourées entre techniciens comme entre figurants. Certains décors qui devaient être construits en 7 semaines n’étaient pas terminés au bout de 7 mois. Les accidents de tournage furent si nombreux et si variés, et souvent si sérieux pour les hommes et comme pour les chevaux, qu’ils pourraient constituer le scénario d’un film catastrophe. Les chinois interdirent le film pour cause de propagande chrétienne. Mussolini l’interdit aussi lorsqu’il découvrit que Ben Hur, prince de Judée, triomphait de Messala, militaire romain. Le Duce avait encouragé le tournage sans avoir lu le roman de Wallace. Sic transit Gloria Swanson. Le ciel vous tienne en joie.
Et pour finir, voici la critique de Jean-Pierre Berthomé parue dans la revue Positif de février 2012:

dimanche 22 janvier 2012

Underground 1928

Norah Baring et Brian Aherne
Un cri dans le métro
Un film d'Anthony Asquith avec Elissa Landi, Brian Aherne, Norah Baring et Cyril McLaglen

Nell (E. Landi), une jeune vendeuse dans un grand magasin est importunée par Bert (C. McLaglen) dans le métro londonien. Bill (B. Aherne), un employé du métro, la débarrasse de l'importun...

Elissa Landi et Cyril McLaglen
Pour son deuxième film en tant que réalisateur, Anthony Asquith montre une maîtrise de grand professionnel. La réalisation est millimétrée, parfaitement rythmée et la direction d'acteurs n'est pas en reste. Utilisant avec virtuosité le 'Tube' londonien, il suit son quatuor de personnages qui se rencontrent dans ce souterrain surpeuplé. Nell (Elissa Landi) est en but aux avances d'un malotru (C. McLaglen) qui pense pouvoir la séduire facilement. Mais, c'est le sympathique Bill (Brian Aherne) qui va capturer son coeur. Ils se rencontrent dans un escalator où il va se retrouver en possession de son gant et va vouloir le rendre à sa propriétaire. Le flirt entre Bill et Nell ne fait qu'exacerber la jalousie de Bert qui est employé dans une centrale électrique. Réalisant qu'il n'arrive à rien, il organise un coup monté avec sa petite amie Kate (N. Baring) pour décrédibiliser Bill. Sur cette trame très simple, Asquith réalise un film qui nous montre la vie de tous les jours parmi les londoniens des classes laborieuses. Chaque personnage est identifié et parfaitement décrit dans son environnement professionnel et personnel. Anthony Asquith a parfaitement assimilé toutes les techniques cinématographiques développées en Allemagne et en France: ombres expressionnistes, caméra subjective, travelling rapide, montage accéléré etc. Il intègre chaque élément avec sobriété et élégance à son récit sans chercher à faire de l'esbroufe. Alternant l'humour et la tension, il construit un film qui atteint son paroxysme avec la scène de poursuite entre Aherne et McLaglen. Elle commence sur les toits de la centrale électrique, se poursuit sur les quais de la Tamise avant de se terminer dans les tunnels et un ascenceur du métro. Il prend son temps pour nous montrer le jeune couple, Nell et Bill, en train de pique-niquer dans un parc avant de redescendre dans l'enfer du métro souterrain. Ce film a fait l'objet d'une restauration par le BFI en 2009 qui en avait profité pour commander une nouvelle partition au musicien Neil Brand, un spécialiste du cinéma muet. Malheureusement, à Paris, les organisateurs de cette projection n'ont guère montré de soin dans cette présentation. Tout d'abord, le film a été projeté sur un écran minuscule au Théâtre du Châtelet (qui est pourtant suffisamment vaste pour en accueillir un plus grand) qui a été en plus couvert d'un halo de lumière durant toute la projection et rendait la visibilité des scènes sombres fort difficile. Du coup, il est bien difficile d'apprécier la qualité de la restauration (voir video sur le site du BFI). Il n'y avait aucune traduction des intertitres, un geste qui montre le peu de cas qui était fait du film. Et puis, il y avait la musique. Le film était bizarrement inclus dans un festival de musique contemporaine organisé par Radio France. La star de la projection n'était pas le film d'Asquith, mais un musicien argentin, Oscar Strasnoy. Ce compositeur nous a asséné pendant 90 min un motif minimaliste répétitif qui a ignoré le mouvement, le comique et le tragique des scènes. Entre deux bruitages (jappements et bavardages), les musiciens cessaient de jouer dès qu'un instrument de musique apparaissait à l'écran. Pas question pour eux d'accompagner un piano, une flûte ou un harmonica ! Malgré le peu de professionnalisme de cette projection dans son ensemble, j'ai quand même pu apprécier cet excellent film d'Asquith qui mérite bien plus d'égards. 

vendredi 13 janvier 2012

The Story of Temple Drake 1933

La Déchéance de Miss Drake
Un film de Stephen Roberts avec Miriam Hopkins, Jack La Rue, Florence Eldridge et William Gargan

Suite à un accident de voiture après une soirée bien arrosée, Temple Drake (Miriam Hopkins), la petit-fille du juge Drake, se retrouve prisonnière d'un groupe de malfaiteurs. Elle devient la proie de l'un d'eux, Trigger (J. La Rue)...

Ce film offre la quintessence du Pre-Code. Sa reputation sulfureuse n'est pas usurpée ; on le considère comme responsable de l'imposition du Production Code. Le film est adapté de Sanctuary de William Faulkner qui déchaîna -déjà- les foudres de la critique par sa description sordide du sud profond. Il faut dire que Faulkner n'y va pas de main morte: viol, dégradation physique, prostitution, etc. Les producteurs sont terrifiés à l'idée de porter le roman à l'écran ; mais, Paramount achète les droits. Oliver H.P. Garrett l'adapte avec quelques modifications. Le résultat est un film incroyablement atmosphérique avec la cinématographie sublime de Karl Struss (qui travailla sur Sunrise): masure délabrée, violents éclairs qui zèbrent la nuit, visages patibulaires dans la pénombre...Superbe! Miriam Hopkins est formidable en fille à papa soudain confrontée à un monde qu'elle ignore. La scène du viol dans la grange a été 'story-boardée' par Jean Negulesco. Vous pouvez voir ci-dessus le superbe décor créé par lui avec la lumière qui filtre entre les planches disjointes. Florence Eldridge (Madame Fredric March à la ville) est méconnaissable en mégère à l'accent trainant du sud, tentant d'élever un marmot dans cette masure infâme infestée par les rats. Le gangster joué par Jack La Rue, qui viole Temple et ensuite fait d'elle son esclave dans une maison de passe, est également excellent. Le film est maintenant à nouveau visible dans une excellente copie suite à une diffusion sur TCM aux USA. On y apprécie encore mieux la qualité de l'interprétation et l'atmosphère poisseuse gagne en intensité. Stephen Roberts, le réalisateur, qui décéda en 1936 à l'âge de 41 ans, montre de réelles qualités. Les quelques films que j'ai pu voir m'ont montré un bon directeur d'acteurs qui se surpasse pour Temple Drake. Espérons que le film sera bientôt disponible en DVD.

jeudi 12 janvier 2012

Les Ombres qui passent 1924

Ivan Mosjoukine, Andrée Brabant et Henry Krauss
Un film d'Alexandre Volkoff avec Ivan Mosjoukine, Henry Krauss, Andrée Brabant et Nathalie Lissenko

Louis Barclay (I. Mosjoukine) vit dans le sud de l'Angleterre entre son père authoritaire (H. Krauss) et son épouse Alice (A. Brabant). Son existence est régulée par son père, selon les préceptes de Henry David Thoreau. Mais, un jour, il reçoit une lettre lui demandant de se rendre à Paris pour toucher un énorme héritage...

Ce film d'Alexandre Volkoff produit par la société Albatros a été écrit par Mosjoukine lui-même avec Kenelm Foss. Ne cherchant aucunement à adapter une quelconque pièce de théâtre ou un roman, il laisse libre court à son imagination. Il veut utiliser ses qualités comiques qui sont absolument évidentes dès ses premiers films tel que l'hilarant Domik v Kolomne (La petite maison à Kolomna, 1913) où il se travestit en cuisinière. Mais, en 1924, il trouve son inspiration dans les comiques américains qu'il révère. Son Louis Barclay, naïf et exhubérant, doit beaucoup à Buster Keaton et à Chaplin. Ce qui rend les films de Mosjoukine si attractifs et si différents de la production française des années 20, c'est leur ton et leur narration. Il utilise les éléments habituels du mélodrame à la française en leur ajoutant une fantaisie venue de la comédie américaine et des éléments de tragédie purement russes. Avec Les Ombres qui passent, il se crée pour lui-même le personnage le plus fantaisiste de sa carrière française. Ce jeune anglais, totalement dominé par son père, mène une vie heureuse à la campagne. Il part à cheval de bon matin avec son épouse Alice pour aller se baigner. Ils sont tous deux en maillot de bain et semble adorer cette vie sans soucis. Mais, il reste les contraintes imposées par son père : la lecture du Walden de Thoreau tous les soirs, la prière avant le dîner et un manque de liberté général. L'arrivée d'une lettre annonçant un héritage va lui permettre de changer d'air. Il s'achète un costume (de deuil, son père a précisé) parfaitement ridicule avec un pantalon très court et une veste large qui lui donne un air Keatonien en diable. Son père lui fait emporter une giganstesque couronne mortuaire dont il espère pouvoir se débarrasser rapidement. Inutile de dire qu'il ne passe pas inaperçu en arrivant à l'hôtel Impérial à Paris. Sa défroque provoque le rire et son attitude sans complexe dans le restaurant continue à susciter l'ironie. Mais, comme les bruits vont vite, des aigrefins ont vent de son gros héritage. Les sinistres John Pick (Georges Vaultier) et Baron Ionesko (Camille Bardou) le mettent en présence d'une de leur complices, la belle Jacqueline (N. Lissenko). Oubliant héritage et famille, Louis change d'apparence pour devenir un homme du monde parisien et poursuit cette sirène enveloppé d'extravagantes tenues signées Paul Poiret. L'aventurière est elle aussi attendrie par ce jeune homme simple et renonce à lui extorquer son argent. Louis ne songe plus alors qu'à suivre la belle Jacqueline jusque dans son château en Corse. Le film vire insensiblement de la comédie à la tragédie. Et cette transition est une belle réussite avec un final poétique où l'aventurière disparaît et Louis retourne à sa vie antérieure, avec certainement de lourds regrets qu'il n'exprime pas. Le film entier est un festival Mosjoukine qui utilise tous les ressorts de son talent comique et dramatique avec une verve et un entrain communicatif. Mais, autour de lui, les autres acteurs ne sont pas en  reste. Le vétéran Henry Krauss des grands films d'Albert Capellani des années 10, est un père autoritaire de poids, la blonde Andrée Brabant est une Alice espiègle et la brune Nathalie Lissenko, la partenaire de longue date de Mosjoukine, est une sirène mystérieuse. Il faut aussi ajouter le superbe travail des techniciens : les décors superbes d'Alexandre Lochakoff et la très belle photo de Fédote Bourgassoff. La copie teintée de la Cinémathèque est de toute beauté. J'avais déjà vu ce film en 2008 et le revoir a été un plaisir de tous les instants. Un des meilleurs films de Mosjoukine.

lundi 9 janvier 2012

Riffraff 1936

Joseph Calleia, Jean Harlow et Spencer Tracy
Un film de J. Walter Ruben avec Jean Harlow, Una Merkel, Spencer Tracy, Mickey Rooney et Joseph Calleia

Hattie (J. Harlow) travaille dans la conserverie de thon d'un petit port. Elle vit chez sa soeur Lil (U. Merkel) où elle partage la chambre des enfants de Lil dont le turbulent Jimmy (M. Rooney). Hattie est amoureuse d'un pêcheur fort en gueule, Dutch Miller (S. Tracy). Mais celui-ci semble l'ignorer...

Comme l'indique le titre 'riffraff' (que l'on pourrait traduire par racaille), la MGM tente avec ce film de concurrencer la Warner sur le terrain du film social. Ce n'est à priori pas gagné d'avance de produire un film avec Harlow et Tracy dans des rôles qui pourraient être joués par Blondell et Cagney. Heureusement, le scénario de ce film est l'oeuvre de la formidable Frances Marion, une des scénaristes les plus respectées d'Hollywood qui a déjà derrière elle deux Oscars et au moins 150 films. Malgré cette renommée, Frances Marion est sur la touche à la MGM. Elle a osé participer à la création d'un syndicat des scénaristes et Louis B. Mayer n'est évidemment pas ravi. Et puis, Marion est l'une des nombreuses femmes scénaristes qui vont être mises au rancart avec l'afflux de jeunes écrivains venus de New York. Comme pour les grandes stars du muet, il y a aussi de profonds changements dans les rangs des scénaristes. Les femmes scénaristes en particulier, très nombreuses dans les années 20, en pâtissent. Marion sait construire une intrigue et des personnages. Elle a écrit The Wind (1928, V. Sjöström), mais aussi un drame sur une émeute en prison, The Big House (1930, G.W. Hill) qui n'a pas à rougir face aux productions les plus violentes de la Warner. Riffraff sera son avant-dernier scénario avant de quitter la MGM. Le film permet à Jean Harlow de sortir de son emploi habituel de blonde platine. Ses cheveux ont retrouvés une couleur plus naturelle et elle n'est ici qu'une fille du peuple qui essaie de s'en sortir. Face à elle, on utilise une nouvelle recrue de la MGM, Spencer Tracy récemment licencié par la Fox. Le début du film, assez proche de la comédie, nous montre l'affrontement de ces deux acteurs au tempérament bien trempé. Hattie a bien du mal avec ce Dutch mal embouché, roublard et passablement sur de lui. Tracy n'est d'ailleurs pas si sympathique que cela. Il est tellement orgueilleux qu'il croit qu'il pourra vaincre le patron de la conserverie Nick Appopolis (Joseph Calleia dans son rôle de gangster huileux). Mais, il s'attaque à un trop gros morceau et le voilà sans le sou après une longue grève. Plutôt que de se battre sur place, il laisse tomber sa jeune épouse Hattie et part à l'aventure. Le film vire alors au mélodrame avec Hattie poursuivie par les assiduités de Nick qui se retrouve en prison tandis que Dutch lui attérit dans un camp pour clochards. Il faut reconnaître que Tracy et Harlow forment un couple bien assorti en terme de jeu. Il se réponde du tac au tac avec entrain. Le tout début du film nous montre la vie guère reluisante de Lil (Una Merkel, le cheveu en berne mais toujours aussi gouailleuse) avec son bon à rien de père et son épouvantable garnement de fils (Mickey Rooney). Quant à Hattie, elle doit subir les assauts du riche Nick qui pense pouvoir l'acheter avec une fourrure. Lorsque le film vire au mélo, on continue à croire aux personnages, même si la construction  n'est pas toujours aussi efficace que dans un film de la Warner. Hattie se retrouve dans une prison pour femmes et s'évade par une conduite d'eau. Il n'y a pas beaucoup de traces de glamour dans tout cela, même si Harlow reste plutôt bien coiffée lors de tous ces épisodes. La fin qui se veut optimiste ne semble pas très convaincante. Après tant de noirceur, proche de Heroes for Sell (1933, WA Wellman), on attendrait quelque chose de plus percutant. Mais, c'est vrai, le Production Code est maintenant en vigueur et nous sommes à la MGM. Le réalisateur, J. Walter Ruben, qui avait fait quelques bons Pre-Codes à la RKO avant de rejoindre la MGM, n'est pas un crack, mais un bon technicien de studio. Au total, le film reste un plaisir grâce aux deux interprètes principaux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes. Cette tentative de 'film social MGM' est finalement plutôt une réussite, malgré quelques bémols.

dimanche 8 janvier 2012

Reckless 1935

Un film de Victor Fleming avec Jean Harlow, William Powell, Franchot Tone, May Robson, Rosalind Russell et Mickey Rooney

Mona Leslie (J. Harlow) est une star de la comédie musicale à Broadway. Elle devient la femme du richissime Bob Harrison (F. Tone), ce qui brise le coeur de son agent Ned Riley (W. Powell)...

Ce film MGM a été produit par David O. Selznick durant la courte période où il travailla pour ce studio dirigé par son beau-père. Il écrivit lui-même l'histoire du film qui fut ensuité adaptée par des scénaristes. Il se serait inspiré de la vie d'une certaine Libby Holman dont l'époux se suicida. La production du film commença mal: le film avait été écrit pour Joan Crawford. Mais, elle ne le fit pas et on imposa Jean Harlow. Finalement, ce changement de distribution apporte un décalage fort intéressant au personnage central. La belle Mona Leslie est une fille au grand coeur qui ne s'en laisse pas compter, mais sans avoir la dureté et la robustesse d'une Crawford. Harlow en fait une fille plus fragile. Certes, Jean Harlow n'est pas chanteuse (elle a été doublée) et elle ne danse pas beaucoup. Mais, tous les numéros musicaux sont filmés avec beaucoup d'intelligence pour leur donner une certaine profondeur et cela évite les longs numéros filmés à hauteur de scène qui plombent nombres de films à cette époque. Le film débute avec un ton de franche comédie. Mona est amoureuse d'un fils à papa (revoici Franchot Tone dans le rôle-type qu'il collectionnait à l'époque) pendant que son agent Ned (William Powell en grande forme) se consumme pour elle. Mais, bizarrement, le film vire brusquement au mélodrame avec le suicide de Bob Harrison. Mona est suspectée de meurtre. Le passage de la comédie au mélodrame n'est pas une réussite totale car la transition est bien trop brutale et le scénario n'est pas suffisamment bien ficelé à ce moment-là. Néanmoins, j'ai trouvé ce film très réjouissant, bien dirigé, et le couple Harlow-Powell (qui filaient le parfais amour à l'époque) fonctionne superbement. On remarque dans des rôles secondaires quelques futures stars comme une jeune Rosalind Russell, en fille de la haute, et un petit Mickey Rooney de 15 ans (et qui en parait moins). Au total, un film moins réussi que Bombshell, mais qui est néanmoins très agréable.

Bombshell 1933

Un film de Victor Fleming avec Jean Harlow, Lee Tracy, Franchot Tone, Una Merkel, Pat O'Brien et Frank Morgan

Lola Burns (J. Harlow) est la star N°1 du studio Monarch. Sa vie ressemble à un enfer entre son père et son frère qui dilapident son argent et le chef du service publicité, E.J. Hanlon (L. Tracy) qui passe son temps à créer des commérages juteux pour les journalistes...

Cette excellente comédie, au rythme pétaradant, semble être inspirée en partie de la vie de Clara Bow selon le scénariste John Lee Mahin. En fait, on pourrait tout aussi bien l'appliquer à nombres d'autres stars hollywodiennes, même à Harlow elle-même. La Lola Burns que je joue Harlow, avec beaucoup de talent, est le prototype même de la star propulsée au firmament par un mélange complexe de sex-appeal et de publicité dans les fan-magazines. On vend au public du rêve qu'il dévore dans les revues de cinéma et dans les journaux salaces, comme nous le montre les premières images du film. Puis, nous passons derrière la façade. La vie de Lola n'est pas vraiment le paradis que l'on vend aux gogos. Elle est certes riche, mais elle doit subvenir aux besoins de son père alcoolique (délicieux Frank Morgan) qui joue aux courses et de son frère (Ted Healy) un bon à rien de première. Si tout cela n'était déjà beaucoup, elle est également la proie du publicitaire maison qui passe son temps à monter des coups tordus pour que le nom de Lola soit le plus souvent possible à la une de journaux. Invariablement, elle est au centre de commérages salaces pour faire monter sa cote au box-office. Fatiguée par toutes ces batailles, elle tente très maladroitement d'avoir une 'vie normale' et invariablement commet des erreurs grossières. Après avoir posé dans sa cuisine, telle une femme au foyer modèle, elle décide soudain que la 'maternité' est indispensable pour une femme et court dans un orphelinat pour adopter un bébé. Evidemment, Hanlon (un Lee Tracy à la répartie rapide comme l'éclair) est sur le coup et va faire capoter son projet illico presto. Excédée, elle part se resourcer dans le désert où elle fait la connaissance d'un (soi-disant) fils à papa (Franchot Tone qui s'autoparodie avec malice) qui lui murmure que "ses cheveux sont comme un champ de marguerites argentées dans lequel il voudrait marcher pieds nus." Mené avec diligence et talent par une superbe galerie de second rôle, le film offre une vision finalement plutôt juste de la vie à Hollywood du temps de l'Age d'Or. Il y a de nombreuses références, tout à fait charmante, aux films et aux acteurs. J'ai beaucoup apprécié la remarque de C. Aubrey Smith, qui joue un vieux figurant râté, qui ronchonne: "Je ne vois pas ce qu'on trouve à ce Lewis Stone !" Un des meilleurs films de Fleming et de Harlow.

samedi 7 janvier 2012

Liebe 1927

L'Histoire des treize - La Duchesse de Langeais
Un film de Paul Czinner avec Elisabeth Bergner, Hans Rehmann et Paul Otto

Sous la Restauration, la Duchesse de Langeais (E. Bergner) est l'une des femmes les plus en vue des salons du Faubourg Saint-Germain. Elle est renommée pour sa coquetterie. Elle rencontre durant un bal le Marquis de Montriveau (H. Rehmann) qu'elle entreprend de séduire...

E. Bergner & H. Rehmann
Le Hongrois Paul Czinner a réalisé de nombreux films avec son épouse Elisabeth Bergner dans le rôle principal. Tous les films muets montrent une actrice passionnante au physique androgyne et à la sensibilité à fleur de peau.  Son physique mince faisait d'elle l'interprète rêvée pour les adolescentes. Mais ici, dans une adaptation d'Honoré de Balzac, elle joue une héroïne plus mûre et plus sure d'elle. La Duchesse de Langeais est un rôle de grande amoureuse qui a certainement beaucoup plu aux actrices. Dès les années 10, on trouve un court-métrage chez Pathé et Norma Talmadge aux Etats-Unis joue également le rôle dans The Eternal Flame (1922, F. Lloyd). Le film de Czinner est centré entièrement sur le personnage d'Antoinette de Langeais. Cette coquette devenue une femme déchirée par l'amour fait penser à Marguerite Gautier ou à la Madame De... d'Ophüls. Elle se croit totalement imperméable à l'amour et va de bal en bal où elle flirte deci-delà sans jamais développer de vrais sentiments. Mais, sa rencontre avec Montriveau va modifier tout cela. Elle va séduire cet homme guère porté vers les femmes. Mais, elle est en même temps prisonnière de son époque et de son monde. Elle peut flirter, mais elle ne peut avoir ouvertement un amant, étant une femme mariée. Elle pique au vif Montriveau en lui promettant beaucoup, mais en ne lui offrant rien. Celui-ci, ne supportant plus ce supplice, va la quitter. Et c'est aors qu'elle va réaliser la passion qui l'habite. Hélas, il est déjà trop tard. J'ai été vraiment touchée par la caractérisation de Bergner dans le rôle principal. Elle est juste et vraie, utilisant un langage corporel dépouillé, elle nous fait ressentir son désarroi et la passion qui la bouleverse. De petite taille, très mince, elle réussit néanmoins à habiter l'écran bien mieux que le large Hans Rehmann qui est un Montriveau bien pataud. Le film se clôt sèchement par une scène où Montriveau découvre Antoinette morte et évite un dénouement plus banal. Paul Czinner était décidément un réalisateur et un directeur d'acteurs de talent. La copie de la Cinémathèque était un contretype de qualité convenable avec des intertitres en français.

jeudi 5 janvier 2012

Gardiens de phare 1929

Un film de Jean Grémillon avec Paul Fromet, Geymond Vital, Genica Athanasiou et Gabrielle Fontan

En Bretagne, le père Bréhan (Fromet) et son fils Yvon (G. Vital) vont prendre leur relève de gardiens de phare. Mais, le fils, peu de temps avant de partir, a été mordu par un chien enragé...

Jean Grémillon réalise Gardiens de Phare après son premier long métrage de fiction Maldone (1927). Le scénario est signé Jacques Feyder qui n'a pu le réaliser lui-même. Cette histoire de gardiens de phare est en fait à l'origine une production du théâtre du Grand Guignol qui assure également la production du film. L'intrigue est fort simple : un gardien atteint de la rage attaque son père qui doit le supprimer pour assurer le bon fonctionnement du phare. Sur cette trame, Grémillon propose un film qui n'est pas totalement satisfaisant, comme l'était d'ailleurs également Maldone. Le film comporte fort peu de cartons d'intertitres, ce qui est un avantage. Mais, le cinéaste offre une débauche de moyens visuels en caméra subjective pour nous faire entrer dans la peau du malheureux gardien de phare touché par la rage. Au lieu de développer les personnages, le film se contente d'égrener toutes techniques possibles du cinéma avec surimpressions, caméra virevoltante, etc. Jean Grémillon a pu tourner son film en Bretagne avec un excellent caméraman, Georges Périnal, malheureusement la copie présentée était d'une qualité tellement médiocre qu'il est impossible d'apprécier vraiment le travail de l'opérateur. Les 'soft-focus' s'apparentaient à de la purée de pois. Il semble bien que Grémillon, à l'origine un réalisateur de documentaires, n'ait trouvé ses marques dans la fiction que lors de l'arrivée du parlant. C'est probablement le changement de scénaristes qui a lui a donné l'impulsion nécessaire. Dans la distribution, on remarque la roumaine Genica Athanasiou qui jouait une gitane dans Maldone et qui est ici une bretonne fort peu convaincante avec son visage très latin. Le film m'a fait pensé au Finis Terrae (1928) de Jean Epstein tourné également près de l'Ile d'Ouessant et on voyait les mêmes goémoniers au travail. Au total, une déception relative de la part d'un grand réalisateur.

mercredi 4 janvier 2012

One Romantic Night 1930

Un film de Paul L. Stein avec Lillian Gish, Marie Dressler, Rod La Rocque et Conrad Nagel

La princesse Alexandra (L. Gish) est destinée à épouser le prince Albert (R. La Rocque). En effet, sa mère (M. Dressler) espère ainsi redorer le blason de la famille. Mais, Alexandra est secrètement amoureuse de son professeur d'escrime, le Dr. Haller (C. Nagel)...


One Romantic Night est le premier film parlant de Lillian Gish, réalisé deux ans après The Wind. Ce film est une production indépendante de Joseph Schenck pour United Artists. Le scénario est adapté d'une version américaine d'une pièce de Ferenc Molnar. Cette même pièce sera à nouveau adaptée en 1956 sous le titre The Swan avec Grace Kelly. Le film MGM avec Kelly avait suscité chez moi un ennui poli. Cette version de 1930 produit les mêmes effets. Le film bénéficie de plus d'une réalisation particulièrement médiocre, typiquement théâtre filmé, qui n'arrange rien. Retrouver la géniale Lillian Gish avec la parole est un choc. Certes, elle a par la suite joué des rôles secondaires dans de très bons films, mais en 1930, elle est encore une étoile de première grandeur dans un rôle principal. Physiquement, elle est toujours très mince avec un visage poupin et elle paraît bien plus jeune que ses 37 printemps. Néanmoins, sa voix assez flutée montre un caractère bien trempé sous cette écorce fragile. Son rôle de princesse évanescente ne lui donne guère de marge de manoeuvre et l'actrice perd beaucoup de son aura avec le son. Le tournage tout en studio n'arrange rien. Le ciel étoilé-toile peinte n'est guère convaincant. Certes, le grand caméraman Karl Struss la nimbe de lumière diffuse. Mais, on a beaucoup de mal à s'attacher à cette princesse en mal d'amour. Ses partenaires masculins sont simplement adéquats. Même la formidable Marie Dressler n'arrive pas à illuminer totalement l'écran. Soit dit en passant, il est difficile de croire que l'énorme Marie puisse être la mère de la mince et élancée Lillian. En voyant ce film, on comprend pourquoi Lillian quitta l'écran pour de nombreuses années. Elle préféra -et c'est un paradoxe pour une star du muet!- retourner sur les planches où elle fut une formidable Ophélie. Il est vrai que passer du chef d'oeuvre qu'est The Wind à ce petit film sans grand intérêt ne devait pas l'encourager à persévérer.